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DU COQ À L'ÂNE
11 août 2007

La pluie s'est arrêtée

Chacun de nous est le produit d'un couple mystérieusement formé par les forces de reproduction que la nature a inscrites dans les gênes de l'espèce humaine, il y a quelque 100 000 ans, et que les neuro-biologistes sont en train de décrypter peu à peu (comme décrit dans le livre de Lucy Vincent que je t'ai donné). Mais, selon les psychanalystes, il y a un autre facteur déterminant dans la rencontre : c'est la référence plus ou moins consciente au couple formé par les parents. Tu n'as pas connu mon père, mais tu as connu ma mère. Sans les circonstances de la seconde guerre mondiale, il n'y aurait jamais eu de rencontre entre Jean et Bronia. Et je ne serais pas là non plus pour en parler. Ce couple a produit une famille fortement disloquée de 4 enfants très différents les uns des autres, comme tu as pu le constater. Cela ne veut pas dire que mes prémices sont fausses. C'est simplement que les facteurs neuro-biologiques et psychanalytiques combinés aux facteurs génétiques et environnementaux obéissent, comme beaucoup de phénomènes naturels, à la théorie du chaos : une très petite variation dans l'un des facteurs inter-réagissants produit de très grands écarts de caractères et de comportements. En ce qui me concerne, j'ai remarqué que certaines de mes attirances reproduisaient étrangement le couple hétérogène qu'avaient formé mes parents, si différents l'un de l'autre. A commencer par celui que j'ai constitué avec Bernadette, qui était d'origine presque aussi modeste que ma mère, même si elle avait de meilleures facultés intellectuelles. Face à ces partenaires, cependant, j'ai toujours eu une gêne. Je pouvais les considérer comme appropriées, en ce qu'elles ressemblaient à la figure symbolique maternelle. C'était sans doute rassurant pour moi de reproduire le couple parental, d'autant que ma mère m'avait toujours enseigné qu'il fallait savoir rester modeste dans tous les domaines de la vie. Dans le même temps, mes besoins de côtoyer quelqu'un qui me valorise, que je pouvais admirer, avec qui je pouvais me développer, y compris socialement, ces besoins étaient insatisfaits. Or je n'ai pas le souvenir d'avoir fréquenté quelqu'un que j'admire fondamentalement (je ne parle pas de toi pour l'instant). Pour supporter cette contrariété, j'ai généralement adopté une attitude gentille mais irréductiblement distante à l'égard des femmes. Je ne permettais à personne d'accéder au fond de moi, pour découvrir mon insatisfaction profonde, ce qui aurait conduit cette personne à se poser des questions déplaisantes sur son inadéquation par rapport à moi. Et c'est comme ça que j'ai fréquenté au hasard de la vie de nombreuses femmes inadéquates, dont la dernière était Marie Rocher, mais dont la principale a été Bernadette. (à propos de Marie Rocher, j'ai appris par Mylène Vachette qu'elle vit avec un musicien qui a 10 ans de plus qu'elle ; je n'ai pas d'autres détails et cela ne m'intéresse guère d'en avoir). J'étais depuis longtemps arrivé à la conclusion qu'aucune femme ne pouvait me convenir fondamentalement, parce que je n'avais jamais pu accepter ma mère comme elle était. Alors rien ni personne n'avait d'importance. Il s'agissait seulement de vivre au jour le jour sans me poser de questions existentielles. Je me sentais justement assez proche de l'Etranger, d'Albert Camus, un auteur existentialiste que j'avais découvert dans ma jeunesse, et qui soulignait l'apparente futilité et absurdité de la vie. Et maintenant j'en viens à ce que tu m'as écrit après avoir écouté Parler d'amour. Je lis des mots de haine à toutes les lignes, mais je sens surtout d'énormes souffrances. Les mêmes que tu as déjà exprimées de nombreuses fois et qui ne faiblissent pas, au contraire semble-t-il. Tu accentues ces haines et ces souffrances avec plus de force et de rage que jamais. Tu jettes du sel sur tes plaies et tu cries de douleur. Le sel, ce sont toutes ces citations sélectionnées, ces fichiers récupérés, ces paroles malheureuses mémorisées. Comme tu le dis très bien : "J'ai mille fois reconnu que cela ne sert à rien. Cela cause à nouveau ta souffrance, et mon regret. Pourtant si je ne te confie pas mes pensées extrêmes, je suis persuadée que cela revient sans doute à l'avenir, comme c'est le cas aujourd'hui". L'expérience du passé démontre que d'exprimer ces pensées ne les fait nullement disparaître à l'avenir. Je ne suis pas psychiatre et, de plus, ma position de petit ami peut m'enlever une part d'objectivité. Avec ces réserves, je te dis néanmoins ce que je pense : tu as des tendances paranoïdes et hystériques auxquelles il conviendra que tu t'attaques si tu veux assurer tes chances d'une vie amoureuse et familiale heureuse à l'avenir. Bien sûr, n'étant pas psychiatre, je ne suis pas sûr d'utiliser les mots corrects. Je dis paranoïde pour décrire cette tendance à exagérer n'importe quel détail qui puisse augmenter la douleur des pensées jusqu'à un point maximum où l'esprit est tellement échauffé et le coeur tellement endolori que la personne perd tout contrôle sur elle-même et explose - dans une phase que j'appelle hystérique, faute d'un terme scientifique pertinent - sans conscience des conséquences plus ou moins graves que cela peut avoir. Puis, le contrôle revient et, avec lui, la conscience des exagérations. Comment se fait-il que tu quittes par moment ce self-contrôle absolument nécessaire pour vivre en société ou en compagnie ? Penses-tu vraiment que cela soit nécessaire et que c'est le bon et seul moyen de gérer certaines craintes ou angoisses ? Pour le cas présent, dire qu'il s'agit seulement d'un PTSD pour des erreurs impardonnables commises par ton copain n'est pas suffisant. Vois si tu avais déjà des pertes de contrôle plus ou moins importantes avant de me connaître et tire tes conclusions toi-même. Je maintiens en tous cas que les facultés de censure, de contrôle et d'inhibition sont nécessaires à la vie sociale et sont acquises dans l'enfance. Sur ce plan, les vieilles démonstrations du Dr Freud sont encore pertinentes à mon avis. Sans ces acquis, les débordements les plus dramatiques sont possibles, comme la rubrique des faits divers des journaux le démontre chaque jour. Tu es une personne hautement civilisée et tu ne peux pas te permettre de tels laisser-allers. C'est bien plus moche, toutes proportions gardées, que lorsque je m'habille salement et que je ne contrôle pas la pousse de mes poils ! ... je fais un peu d'humour pour détendre l'atmosphère, mais cela n'empêche pas qu'il y ait un fond de sérieux dans ce que j'essaye d'expliquer. De mon côté, il est certain aussi que je dois m'interroger bien davantage sur les raisons qui m'ont poussé à dire ou à faire innocemment toutes ces choses pitoyables pour moi et blessantes pour toi. Tes harcèlements (que je n'estime pas lâches, parce que cela te coûte sûrement beaucoup de faire mal à quelqu'un que tu aimes, mais que je trouve cependant indignes de ton niveau) ont comme effet secondaire de me pousser à l'introspection et ce sont peut-être pour moi des occasions uniques d'évoluer. Mais je suis assez pessimiste. J'ai vécu de la même manière pendant tellement d'années que j'ai pris des habitudes. Comme d'oublier tout sans arrêt ou d'être très laxiste et peu profond dans mes amitiés. Je n'ai confiance en personne et surtout pas dans d'éventuels thérapeutes. J'ai depuis longtemps l'idée que c'est la vie elle-même qui offre des occasions d'auto-thérapie, spécialement dans les périodes amoureuses, quand les sentiments sont exacerbés et que de mystérieuses crises surviennent. Encore faut-il avoir le courage de réfléchir aux causes profondes de ces crises et non pas jouer puérilement et vulgairement à rejeter systématiquement de prétendues fautes et responsabilités sur l'autre. Tu me demandes finalement pourquoi je ne me sépare pas de toi et pourquoi je continue à répondre et écrire dans le blog. Tu feins d'oublier que je t'ai proposé cette séparation de nombreuses fois, et que nous avions décidé ensemble de ne plus nous contacter après ton départ. Mais finalement, tu m'as appris à me servir du blog et tu attends que je déménage au Japon. Nous sommes tous les deux dans la contradiction. Bien sûr que je me suis posé la question de savoir s'il était légitime que j'entre dans la vie d'une jeune femme à titre de mari, alors que cette place est naturellement réservée aux jeunes hommes de sa génération. J'entends des voix qui disent qu'il ne faut écouter que les élans de son coeur, sans trop se préoccuper des autres. C'est un point de vue darwinien : la nature nous a programmés pour la reproduction et se fiche totalement de nos sentiments ainsi que de nos moeurs et cultures. Mais précisément, nous avons des sentiments et des cultures qui peuvent contrarier nos pulsions naturelles si on le juge bon. Et le mariage, avec ou sans enfants ? J'y pense souvent, comme toi. J'imagine les moments de bonheur comme ceux que nous avons déjà eus - difficilement il est vrai. Je me leurre même en pensant que tes accès hystériques disparaîtraient comme par miracle et que j'aurais encore longtemps les forces pour t'aider et t'accompagner. Et puis je pense à ta famille, à ta soeur. Puis à la mienne, à Floriane. Enfin à ma vie d'immigré au Japon, une fois passés les premiers moments d'euphorie. Ensuite je fais d'autres hypothèses : après notre séparation définitive, tu fais quelques nouveaux essais amoureux et tu épouses un jeune Japonais chic et intelligent, apprécié par ta famille et tes amis. Tu es très amoureuse et les enfants arrivent sans que tu négliges ta carrière professionnelle, car tu es forte et en bonne santé physique et mentale. C'est tellement plus simple. Et moi je suis sur Leopard, je soutiens financièrement mes filles, je m'amuse à être grand-père de temps en temps, et je cherche désespérément un sens à mes dernières années de vie sur terre. Selon toi, quel sera le scénario le plus vraisemblable ? (NB. Jérémie a été opéré de la main et le diagnostic pour la récupération de son index droit n'est pas trop pessimiste ; en fait, il terminait un stage pratique facile et devait être nommé aspirant-guide lundi, avec une embauche de travail immédiate ; pour Claude, cela aurait été la fin définitive d'un cauchemar, similaire au mariage de sa fille ; il ressent douloureusement cet échec pour son fils et a peur que Jérémie perde toute confiance en lui dorénavant ; j'ai compris cette inquiétude de père en pensant à la fragilité de Floriane).
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